En juin 2004, à l'âge de quatre-vingt quinze ans, s'éteignait Jacques Rossi, un homme hors du commun. D'origine franco-polonaise, il avait consacré le premier tiers de son existence à lutter pour l'instauration du communisme sur terre en mettant au service du Komintern ses dons de polyglotte, le deuxième tiers à étudier le système pour lequel il s'était battu de l'intérieur, dans les prisons et les camps d'URSS, puis dans la Pologne socialiste, et les dernières décennies de sa vie à dénoncer cette utopie en tentant de faire comprendre quelles catastrophes humaines, morales et économiques entraîne sa mise en oeuvre. Lorsqu'il est mort, il vivait depuis presque vingt ans en France, où il avait eu le plus grand mal à faire éditer ses deux ouvrages, Le Manuel du Goulag (1997), une encyclopédie monumentale, minutieuse et extrêmement vivante sur l'univers concentrationnaire soviétique, et Qu'elle était belle cette utopie ! (2000) un recueil de souvenirs se présentant comme une suite de tableaux ou de scènes de la vie dans les prisons et les camps soviétiques, dont une partie était parue en 1995 sous le titre Fragments de vies chez Elikia.